Budget Primitif 2009

par Hugues PETIT

Chers collègues, la crise a bon dos ! Elle permet à M. Sarkozy de tourner le dos à tous les engagements qu’il avait solennellement pris devant le corps électoral, à tel point qu’hier le Canal Enchaîné titrait « Ca n’est plus Sarko, c’est ça r’cule » !

Voici quelques semaines, les membres les plus éminents du parti socialiste lui proposaient déjà une carte, je ne sais pas si c’était au tarif réduit que proposait Mme Royal. Plus méchants encore certains primitifs qui ont détecté chez M. Sarkozy le symptôme de la chiraquisation. C’est une expression qui me paraît franchement insultante.

La crise a bon dos pour Sarkozy, elle a bon dos pour Jean-Jack Queyranne, lequel vient ou va nous rajouter dès que cela aura été voté par sa majorité une louche d’emprunt, 57 M€, excusez du peu ! 16 % de plus que ce qui était prévu à l’origine ! Quand vous nous proposiez le chiffre d’origine, Président, vous écriviez qu’un endettement maîtrisé était un choix responsable. Là, votre emprunt, vous ne le maîtrisez plus tout à fait. C’est l’évidence.
Et tout cela au nom de la crise.

Mais quelle crise ? Je ne nie pas qu’il n’y a pas de crise mais quelle crise ? Pour tout le monde et en particulier pour le président tout à l’heure, il l’a dit, voilà comment il la décrite : « une panne de croissance impactée par la crise financière« . C’est vrai. Mais il y a derrière cette crise visible dont tout le monde parle des crises dont on ne parle pas, beaucoup plus profondes, beaucoup plus anciennes, beaucoup plus graves.

On pourrait en citer plusieurs, je m’en tiendrai à trois pour des raisons de temps : une crise de la mondialisation, une crise de la confiance et une crise de la responsabilité.

Pourquoi parler de cela ? Parce que c’est le diagnostic. Si nous nous trompons de diagnostic sur la crise, il y a peu de chance que les remèdes proposés soient les bons.

D’abord une crise de la mondialisation.
Indubitablement, il y a eu cet été une crise financière aux Etats-Unis. Ce sont les faits. Mais si cette crise s’est répandue si rapidement, c’est en raison de l’hyper mondialisation. Entendons-nous bien, la mondialisation a toujours existé, il y a toujours eu du commerce international. Les gens qui connaissent un peu l’histoire économique savent que déjà dans l’antiquité il y avait du commerce international. Mais il s’est passé quelque chose de nouveau au XXème siècle, c’est que les souverainetés sont tombées devant les réalités commerciales et qu’aujourd’hui les Etats n’ont plus aucun moyen de se défendre. Tant et si bien que les sommes, des milliards de dollars ou d’euros, passent en quelques secondes d’un pays à un autre. A tel point que les institutions les plus sérieuses, par exemple la BNP chez nous prête l’argent de ses clients à l’escroc américain Madoff.
Voilà la situation aujourd’hui.
Notre excellent collègue, Monsieur Avocat, disait tout à l’heure qu’on revenait au keynésianisme, mais la limite du keynésianisme, c’est la mondialisation. D’ailleurs, vous l’avez éprouvée cruellement vous-mêmes socialistes en 1983 quand il a fallu abandonner votre politique de relance par la consommation ; vous avez donné de l’argent aux Français qui ont acheté des produits à bas coûts qui venaient d’Extrême-Orient. Aujourd’hui, vous allez remettre de l’argent qui partira pour une bonne partie vers les pays qui ont des coûts de production plus faibles que les nôtres.

Cette première crise va engendrer une seconde qui est la crise de la confiance.
Aujourd’hui, on la voit de manière très nette. On a beau prendre des mesures pour essayer de redonner la confiance, elle ne revient pas. On met des taux d’intérêt à zéro, ce qui devrait doper la bourse, cela la dope 24 heures. Le lendemain, c’est fini. On dépense des sommes d’argent considérables à la Région, dans les départements, les villes, l’Etat, l’Europe, les Etats-Unis, et pourtant, la confiance ne revient pas.
Et pourquoi ne revient-elle pas ?
Parce que, nous le croyons, il existe une crise de confiance qui est très ancienne. Un signe ne trompe pas, c’est la crise démographique. Voilà quarante ans que nous assistons à une crise de la démographie, au triomphe du vieux Malthus qui pensait qu’à la fin du XXe siècle il n’y aurait pas loin de deux cents millions d’Anglais sauf si l’insuffisance de la production agricole faisait les ravages de la famine.
Ceci n’était pas vrai mais Malthus a quand même gagné en ce sens que les Etats aujourd’hui ont peur des enfants. Tous les moyens sont utilisés pour empêcher des enfants français de venir et le résultat, c’est qu’on est obligé, le croit-on du moins, de faire appel à l’émigration avec tous les problèmes qui en découlent.
On pourrait donner un autre exemple de cette inquiétude devant l’avenir, cette crise de la confiance, c’est l’attitude de plus en plus répandue devant l’automobile. L’automobile est un des secteurs qui a enregistré le plus de progrès dans le domaine de la sécurité et du confort et même de l’environnement. On le constate chaque jour, vous êtes derrière une voiture récente, il n’y a pratiquement pas de fumée qui sort. Si la voiture a une dizaine d’années, il y a des panaches énormes de fumée. On voit bien toutes les améliorations qui ont été apportées.

Crise enfin de la responsabilité.
A la fois l’Etat prétend tout faire et l’Etat n’assume pas ses obligations minimales, et la première de ses obligations, c’est quand même d’assurer l’avenir.
J’évoquais à l’instant la question de la natalité et le problème des retraites aujourd’hui, mais il faudrait aussi dire la folle attitude de l’Etat en matière d’emprunt dont nous sommes encore en train de donner un exemple aujourd’hui. Passe encore qu’on emprunte en période de vaches maigres mais au moins faudrait-il rembourser les emprunts en période de vaches grasses. Nous ne faisons rien de tout cela.

Face à ce diagnostic, il y a le choix entre deux possibilités, deux politiques. La première, malheureusement, c’est celle que vous prenez. Une fois de plus, vous allez vous attaquer aux symptômes, vous allez identifier une fausse crise et donner de faux remèdes, ou peut-être enfin serait-il temps de prendre l’exacte mesure de la crise qui nous frappe non pas depuis quelques mois mais depuis des décennies et véritablement s’attaquer au véritable problème. Je n’en prendrai que deux exemples.
Je le disais hier citant Charles Mauras, une politique se juge à ses résultats et non pas, comme vous le faites chaque fois, à la mesure des sommes qui sont dépensées. J’essayais de faire le compte de toutes les mesures que vous proposez aujourd’hui dans votre amendement, 34 mesures supplémentaires : est-il meilleur exemple de saupoudrage ?

Ce qui compte, ce sont les résultats. Or, vous avez au moins deux secteurs où pour le moins l’efficacité de votre politique n’est pas démontrée.
Premier exemple, la formation professionnelle. Notre collègue, M. Carle, a été chargé d’un rapport sur la formation professionnelle et on en connaît toutes les limites. Un bon connaisseur comme Dominique Martin vous montrera tout à l’heure dans son amendement comment on peut réaliser d’importantes économies dans ce secteur sans que la formation professionnelle en souffre bien au contraire.
Deuxième exemple, la politique de la ville. La cour des comptes a démontré dans deux rapports que le moins qu’on puisse dire, c’est que l’efficacité de cette politique n’était pas prouvée. Alors pourquoi continuer à mettre de l’argent dans ce secteur sinon pour provoquer des effets d’annonce en disant : « Vous voyez, nous faisons quelque chose, nous donnons de l’argent ! »

C’est ce qu’il aurait fallu faire. Un vrai budget anticrise aurait consisté à faire un retour sur soi-même, tous ici et surtout vous parce que cela fait des années que nous le disons, mais nous aurions été d’accord pour faire notre mea culpa avec vous si vous aviez accepté de faire un pas dans la bonne direction.
Tous, essayez de voir les erreurs qui ont été commises et, plutôt que de persévérer dans l’erreur, renoncez avec les erreurs d’appréciation pour essayer d’apporter de véritables solutions. Je vous remercie.

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