Orientations budgétaires 2012

Intervention de Charles Perrot – 13 octobre 2011

Rapport n° 11.12.652

Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président,

Comme chaque année à cette époque, vous vous livrez donc au même exercice de style en introduction de ce rapport des orientations budgétaires. Vous nous brossez l’état de la France telle qu’elle ne va pas, ou plutôt telle qu’elle va de plus en plus mal, car c’est bien malheureusement la contrainte externe majeure face à laquelle nous nous trouvons tous : la France va mal et Rhône-Alpes aussi, bien sûr.

Ce qui est d’ailleurs assez piquant est de se reporter au dossier de l’an dernier. Les orientations budgétaires 2011 s’ouvraient par cette phrase introductive d’un constat évident : « notre Région subit toujours les conséquences de la crise. » Il y a un an donc, presque jour pour jour, vous avez proposé une feuille de route de sortie de crise. Vous disiez : « L’urgence absolue doit être la sortie de la crise », et avec un ton martial, que j’avais d’ailleurs signalé, vous avez proposé un budget offensif et responsable pour assurer la relance et préparer l’avenir. Nous allions voir ce que nous allions voir, il y a un an… Et, nous avons donc vu !

Aujourd’hui, un an après, posons la question. Notre Région va-t-elle mieux, ou plus mal qu’un an auparavant ? Que deux ans auparavant ? Que trois ans auparavant ? D’ailleurs, comment une Région, fût-elle socialiste, pourrait-elle être un îlot de prospérité dans une France à la peine en Europe, dans une Europe elle-même qui se traîne encore à rebours de l’économie mondiale ?

Nous n’irons pas sur le terrain des chiffres du chômage, des destructions d’emploi, du PIB ou autres. De Droite, de Gauche ou d’ailleurs, la réalité s’impose à nous tous : la machine économique est grippée. La nouvelle crise, qui vient inéluctablement, va encore détricoter un peu plus les structures de notre société, tarauder un peu plus notre économie, saper un peu plus nos PME, laminer les marchés, jeter dans la misère quelques centaines de milliers de Français de plus, et bouleverser jusqu’au mode de pensées et d’actions, avec cette impression d’impuissance et de désillusion qui désarme les meilleures volontés politiques.

Devant cette situation, vous, Monsieur le Président, vous « relevez le défi ». Ce sont vos propres termes. Vous vous proposez de combattre cette tentation de la résignation et du fatalisme. Je dois dire qu’il y a du panache dans l’expression, et je salue cette détermination. Mais, qui peut y croire ? Vous, droit dans vos bottes. J’aimerais vous regarder droit dans les yeux en vous posant la question de confiance : y croyez-vous vraiment, Monsieur le Président ?

D’ailleurs, le panache ne dure pas très longtemps. Vous ne pouvez pas vous empêcher de retomber aussitôt dans vos ornières. Vous vous livrez comme d’habitude à ce petit jeu favori et coutumier qui consiste toujours à rejeter sur l’autre. Ce pelé, ce galeux – ici l’État UMP – qui serait donc la cause de votre budget contraint et de vos marges de manœuvre financières réduites. Le « vilain État UMP » a organisé « l’assèchement de vos finances », ce sont là aussi vos propres termes.

N’ayez pas d’inquiétude, je ne vais pas ici défendre l’État UMP. Que l’on ne compte pas sur moi ! Mais, quand même. Comme c’est commode cette ritournelle infantile : c’est la faute à l’État UMP, c’est toujours la faute des autres, bien sûr.

C’est toujours la faute du camp d’en face : la Droite contre la Gauche, et la Gauche contre la Droite. C’est ainsi que ce jeu de dupes, ce jeu stérile, perdure et entraîne notre pays vers l’abîme et notre nation vers sa fin. D’ailleurs, M. Chriqui vient d’illustrer à merveille ce jeu de dupes ou bien ce jeu de rôle bien huilé.

Nous sommes aux bords du précipice et Monsieur le Président, vous nous dites : « Avançons ». Nous sommes, comme l’État, financièrement exsangues. L’État lui-même était déjà en faillite ou en quasi-faillite il y a trois ans, selon les propres mots de M. Fillon. Et alors, vous nous dites : « Dépensons ». Il faut dépenser toujours plus, car vous ne savez pas faire autrement dans la prison de vos dogmes. À vos yeux, la légitimité politique est directement proportionnelle à l’argent dépensé.

C’est ainsi que vous exposez vos quatre priorités fondamentales (page 16 de votre rapport) : l’avenir de la jeunesse, le développement de notre économie, le développement solidaire et les préoccupations écologiques. C’est beau comme de l’antique. C’est le carré magique, la nouvelle martingale fourre-tout, attrape-tout, gobe tout. Avec cela, c’est sûr, Rhône-Alpes va se sauver ! Y croyez-vous vraiment, Monsieur le Président ?

Dans ces années de crise lancinante que nous vivons depuis 2010 et même depuis 2007, pour être précis, je suis sidéré de voir qu’il n’y a jamais, jamais, de remise en cause fondamentale des politiques suivies, que ce soit au niveau européen, national ou régional. Il n’y a jamais de remise en cause personnelle par les responsables politiques eux-mêmes, de leurs propres choix politiques, de leurs propres orientations budgétaires, toujours orientées dans le même sens, qu’ils soient de Droite comme de Gauche, car la faute, lorsque cela va mal, c’est toujours l’autre.

La France va mal. C’est donc la faute aux marchés financiers, c’est la faute à la bourse, c’est la faute aux banques, c’est la faute aux emprunts toxiques, c’est la faute aux dollars. C’est la faute aux Américains, c’est la faute aux Chinois, c’est la faute au yuan, c’est la faute à l’euro, c’est la faute aux Grecs. Depuis avant-hier, c’était aussi la faute aux Slovaques. Demain, ce sera la faute aux Allemands.

Non ! Non ! Si la France va mal, c’est la faute aux hommes politiques français, car ce sont eux, vous tous, qui avez pris les décisions. Ces décisions qui vont toujours dans le même sens, depuis 50 ans, quels que soient les hommes et les partis au pouvoir et quelles que soient leurs qualités intrinsèques.

Le désastre qui se pointe c’est leurs œuvres à tous, c’est votre grande œuvre conjointe à vous tous. Vos orientations budgétaires, Monsieur le Président, restent dans la stricte observance de vos dogmes idéologiques éculés. Si j’ai signalé que parfois dans la forme du début de ce rapport, vous savez faire preuve de panache, force est de constater que tout cela se termine inéluctablement en quenouille.

Je vous remercie.

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