Une stratégie foncière déterminée pour l’aménagement des territoire équilibrés, sobre et dynamique

Intervention de Bruno Gollnisch – 14 octobre 2011

Rapport n° 11.07.648

Monsieur le Président,

Le dossier que nous soumet M. LERAS part d’une préoccupation qui est juste. Comme l’avait dit un grand chef militaire français injustement traité : « La terre, elle, ne ment pas. ». Il est bien nécessaire en effet de conserver ce patrimoine foncier auquel nous sommes tous attachés.

Le problème, Monsieur LERAS, c’est qu’à partir de ce constat exact, vous ne prenez pas les bons moyens qui s’imposent, vous aggravez systématiquement dans tous les domaines la collectivisation, la réglementation, j’oserais dire la spoliation des terres, du droit de propriété, et ceci constitue une politique qui a fait déjà la preuve totale de son échec.

En effet, vous partez du présupposé inexact que les règles d’urbanisme prohibant la construction sont nécessaires à la conservation d’une activité agricole. C’est peut-être vrai dans certains endroits, ce n’est pas vrai dans tous.

Vous nous dites, et je veux bien prendre le chiffre tel qu’il est, qu’au cours des dix dernières années, les surfaces agricoles ont diminué des 2 % mais, au cours de la dernière génération, les exploitations agricoles ont diminué de 82 % en nombre. C’est donc que
la corrélation n’existe pas et cette diminution est plus forte, plus grave, plus totale dans les secteurs du département de la Haute-Marne où il n’existe aucune espèce de pression foncière et qui sont devenus d’ailleurs pratiquement de quasi déserts.

La réglementation actuelle que vous voulez encore aggraver nous vaut dans certaines agglomérations en extension de voir çà et là des parcelles maraîchères sur lesquelles lorgnent promoteurs publics ou privés et qui d’ailleurs finissent toujours un jour par se couvrir d’un hangar industriel ou d’un supermarché cependant que la rareté du terrain constructible aura conduit inexorablement dans les environs à la destruction du patrimoine immobilier ancien : maisons individuelles car le renforcement de la pression dans les villes et à leur périphérie aboutit à la destruction des maisons individuelles, des propriétés bourgeoises qui cèdent la place à des immeubles de béton de plus haute taille et de meilleur rendement mais de moindre qualité de vie.

Il est difficile d’y comprendre ce que gagnent en l’espèce l’environnement et surtout l’agriculture dont on nous dit par ailleurs qu’elle souffre de surproduction au point que seul le gel partiel des terres, ultime panacée, est en mesure de ralentir son évolution catastrophique.

Les résultats du système sont connus, il n’est pas rare de voir tel au tel terrain agricole évalué à moins de 3 €, 2 € et même moins de 1 € le mètre carré tandis qu’un autre, situé à proximité mais que le hasard ou la chance ou d’autres facteurs moins avouables auront placé du bon côté de la limite de constructibilité sera évalué à un prix 50, 100 ou 200 fois supérieur.

Dans les circonstances présentes, l’agriculteur qui est soi propriétaire du sol soit locataire par contrat de fermage mais qui ne peut être privé de son droit d’usage sans versement d’une indemnité d’éviction très importante (ce qui est tout à fait légitime), se trouve donc très souvent lourdement endetté du fait de ses acquisitions de matériel. C’est la situation générale de la plupart des exploitations dans la lutte désespérée et hélas souvent vaine qu’elles mènent pour leur survie.

Or, l’agriculteur ne peut ici utiliser son patrimoine foncier dramatiquement sous-évalué en vertu de la législation actuelle que vous voulez encore renforcer par toute une série d’interdits ou de processus de collectivisation.

Si, au contraire, la constructibilité était plus généralement et plus largement consentie comme je le préconise, il en irait tout autrement. Au lieu de geler la terre, l’agriculteur pourrait la vendre ou, s’il n’est pas propriétaire du fonds, s’entendre avec le propriétaire et partager avec lui les fruits de cette vente. Il retirerait de cette vente partielle un profit substantiel lui permettant d’alléger la charge de sa dette, de faire face aux aléas d’une mauvaise récolte ou d’un abaissement des cours ou de réaliser de nouveaux investissements.

Naturellement, la valeur des terrains n’atteindrait pas les sommets actuels là où aujourd’hui la terre agricole non constructible vaut moins de 1 € ou 2 € le mètre carré alors que le terrain constructible en vaut deux cent fois plus, ordre de grandeur qui se rencontre très fréquemment. Une plus large constructibilité ne porterait certes pas le prix de tous les terrains à 200 €, on peut imaginer que la loi de l’offre et de la demande le stabiliserait dans certains espaces de notre région aux environs de 5 € ou 10 € le mètre carré.

Bonne affaire pour les acquéreurs, certes, mais bonne affaire aussi pour le vendeur agriculteur surtout, comme il a été dit tout à l’heure, à la veille de son départ à la retraite. Dans cette hypothèse, la vente de deux ou trois hectares de terrain permettrait d’alléger considérablement son endettement et de se constituer un patrimoine pour ses vieux jours, autre chose que les retraites de misère versées par la Mutuelle Sociale Agricole.

La revalorisation générale du patrimoine foncier agricole qui résulterait des mesures d’abrogation de l’actuelle législation spoliatrice serait le meilleur moyen et le plus simple de venir en aide au monde rural si cruellement atteint aujourd’hui, soit pour permettre le maintien des activités existantes soit pour faciliter là où elles sont nécessaires d’éventuelles reconversions.

Vous le reconnaissez d’ailleurs en partie dans votre constat, vous dites que « le niveau très élevé des prix du foncier bâti est particulièrement pénalisant pour les exploitants et les candidats à l’installation », il faut faire en sorte que ce prix baisse mais que ce prix soit accessible à tout le monde et en finir avec des interdits qui sont contraires au respect des droits individuels, qui sont édictés sans la moindre indemnisation au profit de ceux qui en sont victimes, qu’ils soient riches ou pauvres.

En réalité, le système que vous nous proposez, c’est de renforcer un droit de l’urbanisme spoliateur et arbitraire qui n’a édicté aucun barrage à la défiguration des paysages que nous observons dans le cadre de la législation actuelle. Un propriétaire doit procéder à des formalités compliquées pour pouvoir ouvrir une lucarne dans un toit mais il verra se construire en face de lui d’énormes hangars, des centres commerciaux gigantesques, des édifices de toute nature comme celui-ci par exemple qui ont, il faut bien le dire, très peu à voir avec l’harmonie des paysages, qu’il s’agisse des paysages ruraux ou qu’il s’agisse des paysages urbains.

Cette législation a des effets pervers. L’opposition par exemple au changement d’affectation d’un bâtiment rural condamne à la ruine de nombreux édifices du patrimoine rural qui pourraient être sauvés. L’atteinte au droit de propriété par le droit de préemption des SAFER n’a guère sauvé les exploitations agricoles de la ruine, une ruine plus rapide dans les secteurs où il n’existe aucune pression foncière. En conclusion, je dirai que votre texte est typiquement de gauche…

Il est typiquement socialiste ou socialo-communiste mais il est de gauche dans ce que la gauche a de mauvais c’est-à-dire à la fois d’inefficace et de pervers, c’est-à-dire ce qui procède de la volonté de se substituer aux personnes, dans la négation totale de ce principe de subsidiarité dont on nous rebat par ailleurs les oreilles.

Vous vous en prenez en réalité aux citoyens des centres-villes qui aspirent à un peu plus de calme, de verdure et de bon air. Leurs aspirations individuelles sont parfaitement méprisées dans votre texte alors même que vous n’avez à la bouche que les mots (je parle de la majorité dont vous faites partie) de démocratie participative. Vous en voulez aux familles entassées dans un appartement des cités qui rêvent d’une maison avec un jardin, ce qui est le voeu de 80 % des Français. Mais ce voeu ne coïncide pas avec vos préoccupations planificatrices, avec votre soif de pouvoir, avec l’idée que vous vous faites de ce que doit être le bien public en dehors de la volonté des
citoyens.

C’est la raison pour laquelle, vous l’avez compris, de façon résolue, nous voterons contre le texte monstrueux que vous nous proposez.

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