La territorialisation des politiques emploi et formation

Intervention de Dominique Martin – 24 février 2011

Rapport n°11.02.099

Monsieur le Président, chers Collègues,

Il vous aura fallu six ans jour pour jour, 18 février 2005 – 24 février 2011, et le suivi évaluatif de la démarche CTEF, engagé en 2009 avec l’appui d’un cabinet extérieur, pour comprendre que votre stratégie en faveur de la formation et de l’emploi n’avait que peu de résultats. Pire, ce suivi évaluatif pointe des dysfonctionnements graves :

• Le chevauchement des instances.

• Le prima pris par la programmation des dispositifs d’insertion.

• Un niveau d’attente trop hétérogène entre les acteurs.

• Un niveau variable d’implication des partenaires.

• Une segmentation des politiques territoriales rendant opaques et incompréhensibles les dispositifs régionaux.

Si j’étais malveillant, j’aurais pu vous dire que l’on aurait pu faire l’économie de ces six années, l’économie de ce cabinet extérieur, et l’économie des énormes budgets consacrés, vous ayant averti dès 2005, même dès novembre 2004 lors du vote de votre « Plan Régional pour l’Emploi », que tout cela ne pourrait pas fonctionner.

À l’époque nous avions estimé que la mise en œuvre des « Contrats Territoriaux Emploi Formation » (CTEF) était intéressée : une structure de plus qui, accolée au CDDRA, allait vous permettre d’organiser votre clientélisme électoral au plus près des territoires.

La lecture de votre rapport nous apporte aujourd’hui des éléments nouveaux qui, je dois bien le dire, ne nous rassure pas du tout, tant ils confortent ce que nous craignions déjà à l’époque.

Vous partez pourtant du constat qui s’impose, et que nous dénonçons depuis des années : en matière d’emploi et de formation, il y a trop d’intervenants, il manque de cohérence entre les diverses actions, les moyens et les crédits sont mal utilisés.

Il semblerait qu’une mise à plat s’impose, suivie d’une sérieuse reprise en main. Au lieu de cela, vous faites un pari totalement différent à l’instar de nos gouvernants qui, de droite comme de gauche, ne sachant plus quoi faire, remettent tous les pouvoirs aux mains de l’Europe de Bruxelles. Vous, vous « déconcentrez une fraction importante de nos moyens d’intervention ».

En clair, si nos gouvernants se défaussent par le haut avec l’Europe, la Région se défausse par le bas avec les CTEF et les CDDRA. Et afin que cela ne ressemble pas à une capitulation, vous déterminez un contenant et un contenu, vous définissez de nouvelles règles, vous octroyez de nouveaux moyens.

On est bien loin du grand ménage qui s’imposerait malgré votre juste constat. Certes vous supprimez les instances territoriales participatives et les comités opérationnels (on se demande bien pourquoi d’ailleurs), mais, dans le même temps, vous inventez :

•Des conférences départementales économie, emploi, formation.

•Doublées de conférences locales sur les mêmes thèmes ouvertes aux citoyens (Tiens donc !).

Vous précisez que ces conférences pourront (pourront – donc c’est facultatif) se réunir annuellement. Si l’on devine par avance leur inutilité, on constate également votre art de l’enfumage.

Mais ce n’est pas tout, Chers Collègues, dont je suppose que vous n’y comprenez plus rien, et ce à juste titre, l’Exécutif nous invente aussi :

•Des comités stratégiques du territoire qui se réuniront au moins deux fois par an (je rajouterais : peut-être deux fois par an).

•Et des comités techniques opérationnels – ouf, enfin quelque chose d’opérationnelle, en tout cas dans votre tête – qui, eux, se réuniront, vous le précisez, régulièrement. Quelle précision !

Vous avouerez quand même que dans le genre « comment faire de la politique au doigt mouillé », il est difficile de faire pire.

Mais vous êtes malins, car vous ne faîtes pas cela tout seul. Vous y associez l’État, les animateurs généralistes ou économiques (j’aimerai bien rencontrer ces bêtes là du reste), RH des CDDRA, Pôle emploi, Centre d’information et d’orientation, Mission locale, Maison de l’emploi et de la formation, CIDFF, MIFE, CIBC, Cap emploi, les chambres consulaires, OPCA, des représentants de l’IAE…, (et même des points de suspension dans votre texte). En gros il ne manque que les garçons de café.

Blague à part, c’est comme le café, plus c’est dilué, moins ça a de goût, et finalement, c’est bien de l’eau chaude que vous tentez de nous vendre. Ou comment noyer le poisson…

Mais vous n’oubliez pas de préciser, je vous cite page 8 du rapport, qu’ « une articulation des interventions du CTEF devra être renforcée avec celles conduites dans le cadre de la politique de la ville », il y avait longtemps pour nos petits « jeunes », et page 9 du rapport, je vous cite toujours, « cet engagement fort devra faire l’objet d’une communication ». Ben voyons, ça fera toujours travailler les imprimeurs et leurs apprentis.

Pour redevenir sérieux, Monsieur le Président, vous laissez en place tout ce qui ne fonctionnait pas, et vous rajoutez des structures supplémentaires. En gros, vous rajoutez du gaz dans une usine à gaz.

En réalité vous tissez une immense toile d’araignée qui vous permettra d’intervenir dans tous les domaines, sur tous les territoires et sur tous les individus. Vos objectifs ne sont ni l’emploi, ni la formation, mais bel et bien l’organisation politique du territoire rhônalpin pour mieux servir vos intérêts partisans.

Monsieur le Président, chers Collègues, vous aurez compris que notre groupe ne soutiendra pas cette nouvelle génération de Contrats Territoriaux Emploi Formation puisqu’elle ne servira ni l’emploi, ni la formation.

Et la raison en est simple : au lieu de vous attaquer aux causes de ce désastre, la mondialisation et son cortège de fermetures, de délocalisations, de pression à la baisse sur les salaires, de suppression des services publics de proximité, de diminution des avantages sociaux…, vous vous attaquez aux effets avec autant d’efficacité que Don Quichotte.

Et vous ne pouvez pas vous attaquez à la mondialisation car vous l’appelez de vos vœux, car vous, UMP et PS, vous en êtes les concepteurs et les farouches défenseurs.

Pour conclure, je voudrais vous rappeler que 90 % des dépenses de formation sont réalisées par les entreprises elles-mêmes, et que seules ces mêmes entreprises créent de l’emploi et de la richesse. Aucune collectivité territoriale n’y pourra jamais rien. C’est le constat incontournable qui devrait s’imposer à vous, depuis si longtemps que vous essayez sans aucun résultat probant.

Monsieur le Président, chers collègues, je vous remercie de votre (aimable) attention.

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