Commission extrarégionale de lutte contre les discrimminations

Intervention de Mireille d’Ornano – 8 avril 2011

Rapport n° 11.16.216

Madame la Vice-présidente, chers collègues,

L’objet de ce présent rapport entend affirmer votre volonté politique d’aller plus loin, je serais tentée de vous demander « d’aller jusqu’où ? », dans la lutte contre les discriminations ?

Vous nous proposez d’installer à l’horizon fin 2011, une agence régionale capable, dites-vous, de porter cette thématique dans les politiques régionales au regard des 18 critères énumérés par la loi.

La définition exacte du terme discrimination lui-même est à la base de ce que l’on nomme le jugement de valeur. En effet, il s’agit bien d’établir une distinction, et donc forcément une discrimination entre ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas, entre ce que l’on souhaite et ce que l’on ne souhaite pas, voire entre ce qui est bien et ce qui est mal, ou encore ce qui est juste et injuste. Telle est la définition qui aujourd’hui prête à toutes les dérives possibles et imaginables.

La démarche que nous accomplissons tous dans notre vie quotidienne, et qui consiste à choisir entre plusieurs propositions, entre plusieurs offres, et d’éliminer l’une par rapport à l’autre, est déjà par principe discriminatoire. Et comme la vie est un choix perpétuel, ne sommes-nous pas déjà toutes et tous dans un état discriminatoire permanent ?

Reste à savoir si notre comportement part d’un bon sentiment ou non, d’une action légale ou pas, et si notre démarche est plus objective que subjective. Là est tout le problème.

Un exemple parmi tant d’autres : un entretien d’embauche entre plusieurs demandeurs d’emploi est par essence même discriminatoire dès lors qu’un seul d’entre eux sera au final embauché. Tout refus d’embauche d’un candidat peut être alors jugé discriminatoire par l’intéressé, même si ce n’est pas réellement le cas, alors, à lui d’en apporter la preuve.

Des 18 critères figurant dans votre rapport aujourd’hui, tous sans exception, dans le cadre de la lutte contre les discriminations, sont interdits par la loi, article 225-1 du Code pénal.

Le champ d’application de la loi touche de nombreux secteurs comme l’emploi, le logement, la protection sociale, la santé ou les avantages sociaux, entre autres. Elle permet aujourd’hui à n’importe quel citoyen qui s’estime être victime d’une injuste discrimination, de saisir la justice afin d’obtenir la condamnation de l’auteur des faits discriminatoires.

Ajoutons à cet arsenal juridique, outre diverses associations et des structures nombreuses, la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, sur laquelle je reviendrai.

Celle-ci, je le rappelle, intervient dans tous les domaines. Elle peut solliciter le partenariat des pouvoirs publics, des collectivités territoriales, des associations, des élus, des partenaires sociaux et des différentes professions, avec comme principaux objectifs de promouvoir l’égalité des droits, de faire évoluer les mentalités et les pratiques. Tel semble être l’état des lieux actuel en matière de lutte contre les diverses formes de discrimination, et auquel vous nous proposez d’ajouter l’important dispositif déjà mis en place d’une agence régionale supplémentaire.

Mais à trop vouloir prouver, on ne prouve parfois pas grand chose ou sinon des abus contre-productifs qu’il convient alors de dénoncer, ce qu’au Front National, nous nous évertuons de faire. Nul doute que les 18 critères référencés par la loi sont de notre point de vue suffisamment et clairement identifiés pour être facilement dénoncés lorsqu’ils sont établis. Il n’est nul besoin pour cela d’aller très loin pour en apporter la preuve.

Ainsi, Madame la Vice-présidente, il conviendrait aussi de balayer devant notre porte, c’est-à-dire au sein même du Conseil régional, avant d’ambitionner, de balayer plus loin, et pour ne citer que quelques exemples dont j’ai été le témoin, je vous pose simplement la question.

Premier exemple : sur quels critères vous êtes-vous appuyée pour que les élus du Front National aient été ainsi exclus des conseils d’administration des lycées ? Ne sommes-nous donc pas des élus à part entière ? Serait-ce à cause du treizième critère, celui de l’opinion politique, que nous sommes ainsi évincés ? Si c’est le cas, vous devriez alors tomber sous le coup de la loi.

Deuxième exemple : sur quels critères ai-je été exclue brutalement, bien qu’ayant été invitée par les organisations syndicales concernant l’affaire du lycée Mounier de Grenoble, par une élue de cette assemblée, Mme Élisa Martin, représentante du Front de Gauche ?
Serait-ce à cause du treizième critère, celui de l’opinion politique ? Si c’est le cas, Mme Martin devrait alors tomber sous le coup de la loi.

Troisième exemple : sur quels critères ai-je été récemment exclue d’un déjeuner-débat sur le thème des accidents vasculaires cérébraux, au prétexte qu’il avait été paraît-il annulé, alors qu’il avait bien été maintenu et que des élus régionaux UMP y ont bien participé ? Serait-ce à cause du treizième critère, celui de l’opinion politique ? Si c’est le cas, les organisateurs devraient tomber sous le coup de la loi.

Faut-il donc vous rappeler, Madame la Vice-présidente, qu’il ne peut et ne doit exister dans cette enceinte républicaine, et si elle prétend le rester, aucune discrimination envers les élus de la Nation, quels qu’ils soient, au risque si c’était effectivement le cas, de tomber inexorablement sous le coup de la loi.

Plus largement encore, et au-delà de cette enceinte, une candidate du Front National a récemment été évincée d’un syndicat auquel elle appartenait, au prétexte que l’on ne pouvait à la fois avoir un mandat dans un syndicat républicain, ou prétendu comme tel, qui lutte contre les discriminations, et appartenir à un parti qui défend la préférence nationale.

Faut-il donc vous rappeler, chers collègues, que la préférence nationale vient de gauche et plonge ses racines dans l’histoire du monde ouvrier ? Que la SFIO, par la voix de Léon Blum dans son journal Le Populaire, admettait qu’en temps de crise, toute immigration supplémentaire devait être suspendue et que la prévention de conflit possible exigeait un contrôle des flux migratoires.

Quarante ans plus tard, le 6 février 1981, un dirigeant du parti communiste écrivait au recteur de la mosquée de Paris, je cite : « La cote d’alerte est atteinte. Il faut stopper l’immigration officielle et clandestine ». Tout le monde sur ces bancs aura identifié ce dirigeant du PC, à commencer par nos collègues communistes, puisqu’il s’agit de Georges Marchais.

Plus près de nous encore, les 31 mars et 1er avril 1990 à Villepinte, aux états généraux du RPR et de l’UDF, dans la préface de son compte rendu était affirmé que la France ne devait pas être considérée comme un simple espace géographique sur lequel plusieurs civilisations pourraient exister. Le RPR et l’UDF appelant alors clairement à la fermeture des frontières et à la suspension de l’immigration. Être étranger en France, entendait-on alors, ce n’est pas avoir automatiquement tous les droits liés à la citoyenneté française. Vingt après, les propositions chocs concernant l’immigration faites aux états généraux de Villepinte ont été toutes oubliées, l’UMP ayant rejoint le Parti Socialiste et toute la gauche sur ce brûlant sujet.

Pour revenir maintenant à la HALDE, et comme l’essayiste française Malika Sorel, qui elle ne parle pas la langue de bois, je cite : « Nous considérons que cette structure de lutte contre les discriminations passe le plus clair de son temps à exacerber les tensions en disant que les gens issus de l’immigration sont victimes de notre société. Le fait que l’on accepte des immigrés ce que l’on accepterait jamais des autres, ne fait que les enfermer dans leurs propres codes culturels ».

Comme je l’ai rappelé, le système judiciaire est suffisamment étoffé pour traiter des vraies affaires de discrimination sans avoir besoin de structures dont on peut s’interroger sur leurs intentions réelles. Nous n’avons effectivement nul besoin d’une institution de plus qui participe, consciemment ou non, à dresser les gens les uns contre les autres.

Chers collègues, si la République est effectivement aujourd’hui en danger, à entendre certains, ce n’est certainement pas dû à la progression du Front National dans l’opinion, mais bien à la politique dévastatrice menée depuis trente ans maintenant et qui en matière de pouvoir d’achat, de chômage, d’immigration, d’insécurité, que sais-je encore, a mené un nombre grandissant de nos compatriotes dans un état de désespérance absolue.

Nombreux sont celles et ceux qui se sont donc ouvertement réjouis du résultat de ces élections et de voir ainsi la vague républicaine bleu Marine l’emporter sur un Front républicain incongru et finissant. Madame la Vice-présidente, c’est parce que nous voulons éviter le pire à la France, comme le pire existe souvent ailleurs de par le
monde, que nous ne pouvons approuver une idéologie discriminatoire finalement souvent nuisible, alors qu’il suffirait de se satisfaire à des choix discriminatoires empreints de sagesse et de simple bon sens.

Comme je vous l’ai dit, tout ici-bas est discrimination, parce que tout est une question de choix et qu’il faut savoir choisir entre ceux qui sont bons et ceux qui ne le sont pas pour notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous voterons contre ce rapport pour laisser à la loi en vigueur aujourd’hui et qui reste suffisante, toute sa place et rien que sa place.

Je vous remercie.

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