Extraction des gaz de schistes

Intervention de Sophie Robert – 24 février 2011

Proposition du groupe PSEA, en application de l’article 7.5 du règlement intérieur

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Vous nous interrogez aujourd’hui sur un sujet brûlant de l’actualité : l’exploration, l’exploitation et la recherche du gaz de schiste sur notre territoire.

Nous savons que la géologie des différents bassins sédimentaires de notre pays est plutôt favorable à l’extraction des gaz de schiste, notamment dans le bassin du Sud-Est dans le triangle Valence- Montpellier-Nice. On sait qu’1 % du territoire national pourrait être concerné par des projets d’exploration. Et on se doute que cette exploitation représente un enjeu géopolitique extrêmement important. La hausse du prix du gaz en 2003 aux États-Unis et la volonté du pays de s’extraire de sa dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient et de la Russie ont permis le développement de la technologie et l’arrivée à maturité de ce processus. Ces perspectives de volumes importants et rémunérateurs ont entrainé une grosse vague de transactions de la part des grandes compagnies pétrolières.

C’est donc toute la question de l’indépendance énergétique du pays qui est en jeu. Ainsi, aux Etats-Unis, la proportion de gaz de schistes pourrait couvrir 25% des besoins en 2030, permettant au pays d’être autosuffisant. De ce point de vue, en France, les réserves potentielles de gaz de schiste pourraient réduire sensiblement notre dépendance en importation, semble-t-il. Par ailleurs le gaz de schiste est souvent présenté comme une énergie relativement propre car rejetant moins de CO2 que le charbon par exemple. Voilà qui atout pour séduire. Et pourtant…

Il est évident que la technique de fracturation hydraulique rend son impact sur le climat plus néfaste que le pétrole, et que le mode d’extraction de ce gaz pose de nombreux problèmes environnementaux. Qu’on en juge :

– Impact sur le paysage, d’abord. Sachant que les puits s’épuisent rapidement, il faut régulièrement en forer de nouveaux. On pourrait ainsi en trouver tous les 500 mètres !

– Ressources en eau, ensuite : la fracturation hydraulique est extrêmement consommatrice d’eau, chaque puits pouvant consommer de 10 à 15 millions de litres, recyclés entre 20 et 80 % pour d’autres puits. On a pu constater qu’aux États-Unis, les pollutions de l’eau étaient nombreuses.

– Pollution chimique, enfin. L’emploi de centaines de produits chimiques pour l’extraction du gaz de roche engendre des conséquences désastreuses sur l’environnement. Je ne détaillerai pas tous les effets environnementaux qu’engendraient de telles exploitations parce que mes collègues qui sont intervenus avant moi les ont parfaitement décrits.

Mais, il faudrait aussi s’interroger pour savoir si l’exploitation des ressources de ce sous-sol  serait financièrement rentable en France. Et là, force est de constater que la France n’est pas l’Amérique: ainsi l’exploitation des schistes a pu massivement se développer aux USA grâce à l’octroi de royalties aux propriétaires parce qu’ils détiennent un droit sur le sous-sol de leur terrain, en France, en revanche, le sous-sol appartient à l’Etat. On comprend dès lors l’intérêt des entreprises américaines à venir effectuer leurs forages en France plutôt que chez eux !

Dès lors, que se passerait-il chez nous, notamment pour nos communes toujours en quête de nouvelles ressources pour équilibrer leur budget ? Serait-ce la manne venue, non du ciel, mais des tréfonds et susceptible d’alimenter durablement les ressources municipales ? Il nous faut être clair.

Le rôle de notre assemblée -qui n’a pas pouvoir d’interdire ces procédés sur son territoire- est effectivement d’alerter et d’informer les communes sur les conséquences à long terme d’un tel choix. Vous nous proposez, Monsieur le Président, d’organiser un colloque sur ce sujet. Je pense qu’une telle initiative serait tout à fait bienvenue.

Ceci nous permettrait de montrer aux communes que, outre l’aspect environnemental que nous sommes nombreux à combattre, les communes ne serait pas forcément gagnantes à long terme sur le plan purement économique: la redevance « Gaz de schistes », prévue par le législateur français en cas d’exploitation de mines, est partagée en deux : une part pour l’Etat et une autre pour la commune. La part communale, qui serait versée par l’exploitant pendant la durée de l’activité d’extraction, se révèlerait vite très faible en comparaison des effets négatifs de l’activité sur l’économie locale : agricole et touristique notamment. Et il y a fort à parier qu’une partie de sa population aurait quitté la commune sans population de substitution à l’expiration de l’activité d’exploitation du forage ! Dès lors où serait le bénéfice d’une telle opération ?

Et que se passerait-il si l’on forait chez un propriétaire privé ? La commune encaisserait la redevance, certes, mais est-ce que le propriétaire du foncier serait tenu de payer des taxes foncières alors que son terrain serait quasiment « réquisitionné » ? S’il en était exonéré, la commune perdrait alors la part de taxe foncière qui lui revient normalement.

Ne parlons pas non plus des infrastructures mises à mal dans l’intervalle, des masses d’eau utilisées (comme si nous en avions de trop dans le sud de notre région), du paysage dégradé, de la désertification à nouveau galopante, etc.

Car, ne l’oublions pas, cette nouvelle activité en sous-sol engendrera une chute évidente des revenus agricoles puisque l’extraction des gaz de schistes exclut bien sûr toute activité agricole en surface dans le périmètre du forage. Si l’on fore dans un champ ou une vigne, ils ne sont plus exploitables. De plus la coexistence des forages et de l’agriculture dans notre région risque d’être délicate car les forages impliquent des chemins, des stockages d’eaux usées, des plates formes logistiques, des pipelines, etc.

Et, à la fin, dans quel état retrouvera-t-on les terrains : bétonnés, tassés, impropres à tout usage agricole et même touristique ? Que deviendront nos paysages que le monde tout entier nous envie ?

Au passage, permettez-moi de m’étonner de l’extrême discrétion sur ce sujet de nos ministres de l’environnement et de l’agriculture… De même, Il faut demander à Total d’être transparent avec les élus du peuple. Nous souhaiterions décider chez nous de ce qui est bon pour nous ! Nous voulons avoir prise sur ce qui a prise sur nos vies, nos paysages, l’éducation de nos enfants et notre patrimoine. Christophe de Margerie le PDG de Total devrait comprendre l’utilité de la transparence et d’une communication franche vu le passif écologique de Total.

Vous l’avez compris, bien sûr nous soutenons l’opposition de la Région à toute exploration/recherche ou exploitation du gaz de schistes sur notre territoire,  et nous nous joindrons au travail des commissions pour informer les communes des graves risques que font courir de tels procédés à leur territoire.

Mais au Front National -cette intervention me donne l’occasion de le rappeler-, nous voulons protéger l’homme dans sa totalité, comme être vivant complet, dans toutes ses dimensions, y compris physiques et spirituelles. Et nous pensons que la crise énergétique, donc écologique, avant d’être une crise de notre mode de production, de redistribution des richesses ou de  dégradation de nos biotopes, est une crise relationnelle avec l’univers dans lequel nous évoluons. Et nous assistons, à la fois, à la destruction des écosystèmes et à celle de notre humanité. Cette dévastation sans équivalent nous bouleverse parce qu’elle nous montre en quoi nous ne nous retrouvons plus dans le monde, en quoi il nous est devenu étranger, en quoi, finalement, notre existence s’est appauvrie. Et puisque c’est au travers de sa culture qu’une nation, qu’un peuple, qu’un homme s’insère  dans le monde et lui sont reliés, c’est bien sur le chemin d’une véritable révolution culturelle que nous devons nous engager.

Nous devons nous interroger, non pas tant sur les remèdes à apporter à des pollutions que sur ce qui a permis qu’elles adviennent. La catastrophe serait que, ignorant les causes profondes de ces phénomènes, à savoir l’état de notre culture et les liens que nous établissons avec le monde, nous nous contentions de n’apporter qu’une réponse technique à des problèmes qui sont d’abord des signes. Il est illusoire de croire que nous arriverons à limiter la grande destruction à laquelle nous assistons, en instituant des réglementations de protection environnementale pseudo-écologistes. Car c’est le contrôle technocratique qui s’accentuera alors, sans que soient remises en question les causes fondamentales des problèmes. Il faut nous engager dans la voie de la raison dans la nature. Nous nous inscrivons dans un système de rupture avec l’économisme dans sa prétention à réduire notre rapport au monde à une somme d’intérêts matériels, à une marchandise, et donc à l’argent qui régirait toutes nos vies.

Evidemment nous ne nions pas pour autant l’importance et la nécessité des fonctions de production, d’échange et de consommation. Mais ces fonctions restent pour nous indissociables des rapports sociaux, politiques et culturels, bref d’une identité collective dans laquelle elles s’enracinent, se subordonnent et s’harmonisent.

Ainsi, les mesures que préconise le Front National s’articulent-elles autour du respect de la nature et de ses lois, d’un retour à l’échelle humaine des échanges économiques (avec une agriculture raisonnée et locale permettant de « travailler, produire et consommer » français), de la défense des intérêts de la France, de sa pérennité et de son identité (nos valeurs culturelles et notre patrimoine qui s’incarne dans un terroir, des paysages, une faune et une flore). Et nous nous battrons pour retrouver notre indépendance énergétique, en favorisant les énergies propres sans renier les progrès techniques et économiques (je pense au nucléaire notamment qui sans être idéal nous affranchit des pays pétroliers).

Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, ce que m’inspire ce projet de recherche de gaz de schistes sur notre territoire régional. Vous pouvez compter sur notre groupe pour en défendre l’intégrité, sachant que, sur nos « fondamentaux » brièvement esquissés dans mes propos, nous sommes tout autant déterminés.

Je vous remercie de votre attention.

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