Débat sur les orientations budgétaires 2009

Par Hugues Petit

Monsieur le Président et chers collègues,

Vous savez que j’ai l’habitude de dire ce que je pense, même si cela doit parfois porter un peu atteinte à votre modestie naturelle, mais je voudrais très sincèrement que j’ai lu votre rapport avec une certaine admiration, pour ne pas dire une admiration certaine. Je ne parle pas ici naturellement du fond du rapport, mais de l’habileté qui y est déployée.

Ce rapport est un modèle de communication politique et si d’aventure l’auteur de ce rapport, car j’imagine que ce n’est pas vous qui l’avez rédigé faute de temps, n’est pas déjà dans votre staff de campagne, il faut vous dépêcher de le prendre.


Modèle de la communication politique car vous en respectez admirablement les trois règles.

Première règle, il faut un message simple et nous avons dans ce texte un message extrêmement simple, même s’il est parfois présenté d’une façon un peu complexe. En gros, à ma gauche Jean-Jack Queyranne, les socialistes, qui veulent le bien de la région, vous souhaitez ardemment faire de notre région une sorte de paradis terrestre -vous avez déjà commencé et déjà les premiers fruits commencent à apparaître-, on suggère même que vous êtes une sorte de prince charmant puisque la région Rhône-Alpes est appelée une fois de plus, par vous bien sûr, « la belle endormie ».

J’ai cru naïvement que cette expression était venue des Rhônalpins, mais après avoir bien cherché je n’ai jamais trouvé un Rhônalpin qui ait appelé cette région « la belle endormie » du temps de vos prédécesseurs. En revanche, j’ai trouvé que dans d’autres collectivités qui étaient passées au socialisme la même expression avait été utilisée, comme quoi elle doit venir de vos officines.

Donc, d’un côté, à ma gauche, le prince charmant qui réveille « la belle endormie ». De l’autre côté, disons la fée Carabosse, le gouvernement, autrement dit, toute une bande de méchants, d’aigris, qui essaie de vous empêcher de faire le bonheur des Rhônalpins et, comme vous le dites à la page 4, « qui provoque délibérément l’asphyxie financière« .

Comment cela ? Eh bien on augmente indéfiniment les compétences de la Région sans accorder dans le même temps les ressources équivalentes, on supprime des impôts en remplaçant cela par des dotations qui n’ont de cesse de se réduire, bref, tout cela nous conduit à une situation qui serait impossible.

Mais non seulement vous êtes le prince charmant, en plus vous êtes une sorte de Zorro qui arrive au milieu de tous ces écueils à maintenir une situation saine. Les chiffres nous disent que la dette a explosé, mais à vous lire on a l’impression quasiment que vous êtes en train de désendetter notre région.

La preuve, et vous n’hésitez pas à utiliser cet argument : les agences de notation nous disent que tout va bien dans la région Rhône-Alpes.Je vous le dis tout de suite, c’est un peu gros parce qu’il n’y en a pas une agence de notation qui a vu venir les faillites retentissantes de ces dernières semaines à tel point qu’aujourd’hui tout le monde demande la réforme de ces agences de notation.

Donc, un message simple : les bons, les méchants. Les bons, comme toujours, sont à gauche.

Deuxième argument, ou deuxième technique de la communication politique, il faut bien choisir ses mots. Là, il y aurait toute une analyse sémantique à faire, le temps ne le permet pas, mais je ne retiens qu’un seul mot, que vous affectionnez d’ailleurs parce que vous récidivez, c’est le mot « dynamique« .

La fiscalité de la TIPP, autrement dit la taxe sur les carburants, n’est pas assez dynamique.

Pour quelqu’un de normal, même s’il n’est pas au Front National, mais qui parle à peu près normalement, quand les impôts augmentent, on dit que la fiscalité s’alourdit, que la charge fiscale est de plus en plus lourde.

Non, pour vous, quand les impôts n’augmentent pas, c’est qu’ils manquent de dynamisme. Finalement, vous allez chez votre boulanger, il vous dit : « Aujourd’hui, je vous fais un prix dynamique, hier c’était moins d’1 euro, aujourd’hui c’est 1 euro« , cela c’est du dynamisme commercial. Vous, vous appelez cela du dynamisme fiscal.

Au passage d’ailleurs, ce que vous dites sur la TIPP, cela devrait vous ouvrir les yeux, parce que la preuve de ce que vous nous dites ici, c’est que l’impôt tue l’impôt. L’autre jour, notre collègue Faurobert vous l’a dit quand vous vous vantiez qu’il y avait de plus en plus de gens dans les TER. Pourquoi y a-t-il de plus en plus de gens dans les TER ? Parce qu’il y a de moins en moins de gens qui peuvent payer leur voiture, qui peuvent payer les carburants ! Donc, plus les carburants augmentent, évidemment moins l’argent rentre dans les caisses publiques. Cela devrait vous faire réfléchir.

Enfin, troisième règle de la communication politique. Alors là, je dois dire que vous excellez, il faut dire que vous avez de la pratique, vous êtes un homme d’expérience, enfin celui qui a écrit le rapport excelle en tout cas, c’est la mauvaise foi.

Je le répète objectivement parce que je suis admiratif, car cela fait aussi quelques années que je suis en politique, je connais bien toutes les ficelles du genre, mais sincèrement je n’arriverai pas à faire ce que vous faites, je vous le dis très honnêtement.

La réalité des choses, c’est quoi ? Ce n’est pas d’un côté le prince charmant et de l’autre côté la fée Carabosse, mais la réalité politique, au niveau national comme au niveau de la région, c’est le couple infernal. Le couple infernal, UMP – PS, autrement dit UMPS.

Je vais vous prendre deux ou trois exemples.

Premier exemple. Vous nous dites que les ressources que l’on nous transfère ne correspondent pas aux charges transférées. C’est vrai. Sauf que ce qui est encore plus vrai, c’est de dire que cette affaire ne remonte pas à ces dernières années avec l’Etat UMP, ceci remonte à 1982, et vous le savez très bien. L’arnaque dure depuis le début ! Et la plus grande de toutes ces arnaques, c’est vous et vos amis qui l’ont faite, c’est le transfert des lycées. On nous a transféré quantité de lycées en mauvais état, un patrimoine très insuffisant, et vous savez très bien que l’on ne nous a pas transféré les ressources, le résultat c’est qu’il a fallu augmenter les impôts, augmenter la dette des Rhônalpins.

Deuxième exemple, vous dites « on remplace les impôts par des dotations », mais vous savez très bien que cela a été fait par tous les gouvernements successifs et vous savez plus encore, ou vous devriez le savoir, que si on enlève des impôts aux collectivités locales, c’est que les collectivités locales font exploser la fiscalité et donc le seul moyen de les empêcher de taxer encore plus c’est de leur supprimer des impôts. Si les uns et les autres de l’UMP et du PS et consorts, vous aviez eu une fiscalité responsable, les collectivités locales auraient conservé leur fiscalité.

Vous dites qu’il y a des transferts de compétences, mais qui est allé les chercher ces transferts de compétences ? Qui a mis le doigt dans l’engrenage de l’enseignement supérieur ? Charles Millon, l’ami de l’UMP -enfin l’ancien ami parce que maintenant il est en bisbille avec eux-, avec le soutien de toute la gauche, et après vous vous étonnez que vos amis, en l’occurrence Lionel Jospin avec le plan université 2000 nous ait mis sur le dos l’enseignement supérieur et là, nous n’avons pas touché un kopek !

Vous dénoncez le paquet fiscal, vous oubliez soigneusement de dire que dans le paquet fiscal il y a essentiellement la défiscalisation ou très largement du moins la défiscalisation des heures supplémentaires. Pourquoi a-t-il fallu défiscaliser les heures supplémentaires ? Pour essayer de corriger, tant bien que mal, l’effet désastreux des 35 heures. Effet désastreux dis-je, puisque pas un seul de vos amis dans toute l’Europe, aussi socialiste soit-il, n’a repris votre idée géniale !

Au passage, on voit d’ailleurs à la fois votre manque de réalisme et la lâcheté de vos adversaires prétendus de l’UMP, puisque la solution de sagesse aurait été de supprimer les 35 heures, ils ont préféré cette mesure coûteuse de la défiscalisation.

Dernier exemple, vous dénoncez l’alourdissement de la dette par les gens de l’UMP. Vous avez raison, mille fois raison de le dire. Ils ont plus endetté la France que les socialistes, il fallait le faire ! De même qu’ici ils ont plus augmenté les impôts en une nuit que vous ne réussirez jamais à le faire en six ans ! Il fallait faire tout cela ! Ce que vous vous gardez bien de dire, c’est que si au niveau national ils ont fait pire que vous, au niveau régional, vous avez fait pire qu’eux parce que c’est vous qui avez fait exploser la dette.

Alors, chers collègues, en finissant que vous dirais-je ? Que nous vous laissons, les uns socialistes à leurs utopies, les autres UMP à leur lâcheté, et en ce qui me concerne, comme dit la Bible, je mets la main sur la bouche parce que j’ai déjà trop parlé.

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