Intervention de Charles Perrot – 21 octobre 2010
Rapport n° 10.12.644
Monsieur le Président,
Comme chaque année à cette époque, vous vous livrez donc au même exercice de style en introduction au rapport des orientations budgétaires.
Au chapitre introductif, vous nous brossez l’état de la France telle qu’elle va ou plutôt telle qu’elle ne va pas ou plutôt telle qu’elle va de plus en plus mal, car c’est malheureusement la contrainte externe majeure face à laquelle nous nous trouvons tous. La France va mal et Rhône-Alpes aussi, bien sûr.
Comme si, d’ailleurs, une Région –fût-elle socialiste– pouvait être un îlot de prospérité dans une France qui peine en Europe, dans une Europe qui elle-même se traîne encore à rebours de l’économie mondiale et qui est le dernier continent à avoir de si faibles taux de croissance, alors que tous les autres continents sont largement devant.
De droite, de gauche ou d’ailleurs, la réalité s’impose à nous tous. Elle n’est pas enthousiasmante, c’est vrai. La crise et son cortège de conséquences continuent de détricoter les structures de notre société, de tarauder notre économie, de saper les entreprises, de laminer les marchés, de bouleverser jusqu’aux modes de pensée et d’action avec cette impression d’impuissance et de désillusion –vous avez d’ailleurs utilisé ce terme de « désillusion »–, qui laisse désarmées les meilleures volontés politiques.
Devant cette situation, Monsieur le Président, vous vous livrez comme d’habitude au petit jeu favori et coutumier qui consiste à rejeter sur l’autre, ce pelé, ce galeux –je veux parler de l’État et de l’UMP, bien sûr–, qui serait donc la cause de tous vos maux, pour faire face à vos orientations budgétaires.
Face au désengagement de l’État, comme d’habitude, nié bien évidemment par nos collègues de l’UMP comme on vient de l’entendre à l’instant, vous adoptez néanmoins un ton volontaire, presque martial, et vous nous proposez un budget offensif, incisif, responsable. Le Vice-président Debat nous en a beaucoup parlé ce matin. C’est un peu la défense et l’illustration d’un vieux principe militaire bien connu : la meilleure défense, c’est l’attaque.
Qu’est-ce qu’un budget offensif, incisif, responsable ? Qu’y a-t-il derrière ces mots ?
Au chapitre de vos priorités, page 4 – on vient de dire, d’ailleurs, que tout n’est que priorité, ce qui veut dire que rien n’est prioritaire –, vous nous exposez votre « martingale ». C’est un peu le carré magique des mots qui font mouche en toute circonstance. Ces quatre mots émaillent toutes vos politiques. On devrait les compter, d’ailleurs : si l’on reprenait ces quatre mots et qu’on les comptait dans les 40 pages de ce rapport, on serait assez étonné. Ce sont ces quatre mots fourre-tout, attrape-tout pour des conseillers régionaux gobe-tout et grâce auxquels vous espérez que toutes les nuances arc-en-ciel de
votre majorité plurielle vont communier benoîtement.
Ces quatre mots magiques sont : « durable », « écologique » – enfin, éco-quelque chose, éco-truc, éco-machin–, « solidaire » et « citoyen ».
Par exemple, il suffit de lire votre rapport :
– l’emploi doit toujours être durable, comme la retraite,
d’ailleurs. On a vu que la retraite devait aussi être
durable et cela a été mis sur les pupitres ;
– Rhône-Alpes doit être une Eco-Région ;
– la jeunesse doit être citoyenne ;
– l’économie doit être solidaire.
Tout un programme…
Pour ce programme offensif et responsable, il faut bien sûr dégager un budget, et c’est bien tout le propos de ce rapport, dans un contexte de préparation sans précédent, selon vos mots. Contexte de mutation profonde, contexte d’incertitudes, gel des dotations de l’État, réforme territoriale et réforme de la TP, et j’en passe. Certes, les temps sont difficiles, comme ils le sont aussi pour les ménages, les salariés, les particuliers, les retraités. Les temps sont aussi difficiles pour les entreprises.
C’est pour tous le temps des vaches maigres, comme on le dit à la campagne. C’est bien dans le mauvais temps que l’on reconnaît la valeur de celui qui est à la manœuvre. Ainsi, Monsieur le Président, vous êtes à la manœuvre, avec ces orientations budgétaires, comme à la manœuvre d’un char à bœufs socialiste embourbé, bien embourbé. Les bœufs, Monsieur le Président, ont de grandes qualités : ils sont opiniâtres comme vous, ils sont constants, comme vous, ils sont forts, souvent… Cependant, il leur manque un petit quelque chose. Vous le savez bien, Monsieur le Président, ce qui leur manque, ce petit quelque chose, c’est l’audace.
Il n’y a pas d’audace dans ce rapport d’orientations budgétaires. Vous continuez imperturbablement à décliner les mêmes politiques. Vous n’en abandonnez aucune, même dans les nombreuses compétences non obligatoires que sont la culture, le sport, la démocratie participative, l’enseignement supérieur, la recherche, l’environnement, même quand l’économie va mal, quand l’argent manque et quand l’État serre la vis. Pourquoi ? Je me suis posé la question.
En réalité, je crois que, en fait, d’orientations budgétaires, c’est bien toujours la même orientation obligée que vous nous servez. Vos orientations budgétaires sont en fait des obligations obligées, au sens où elles vous obligent pour la cohésion de votre attelage, de votre char à bœufs qui tire à hue et à dia.
Offensif, incisif, responsable… À cette sémantique martiale qui caractériserait ce budget 2011 à venir, nous ne trouvons finalement que la continuité de votre idéologie : sans audace, obligé par vos obligés, tenu par vos affiliés. Toute la vieillesse du monde, en somme. Pour notre part, nous constatons une chose. Nous ne sommes pas prêts de voir la fin du mauvais temps socialiste. La Région Rhône-Alpes continue de s’enliser, dans une France qui se noie, dans une Europe en panne. Pourtant, pendant ce temps, le monde avance. Merci.